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l’édito de la saison

Émilie Capliez et Matthieu Cruciani © Simon Gosselin
Émilie Capliez et Matthieu Cruciani © Simon Gosselin

la force du collectif

Tout au long de la saison on retrouve ces mots : fête, plaisir, combativité, espoir… Une envie de réaffirmer à quel point le théâtre enchante nos vies ?

Émilie Capliez & Matthieu Cruciani : C’est un devoir pour nous aujourd’hui de faire de cet endroit un centre de vitalité, d’esprit, et oui, pourquoi pas, de joie ! Après tout il arrive aussi de rire dans des moments très graves de la vie. C’est tout sauf du déni. C’est une légitime défense sans doute. C’est une conscience accrue aussi, dans un contexte mondial angoissant, de la nécessité qu’il y a d’organiser des digues contre la tristesse et le ressentiment. Des refuges. Il sera beau de voir des artistes comme Jeanne Candel, Emma Dante, Pierre Maillet ou Stanislas Nordey, qui, sans rien brader de leurs exigences artistiques, expriment le désir de proposer un théâtre vitaliste, parfois rieur, débordant d’énergie et de fantaisie. De vie.

De même, plusieurs mises en scène racontent le bouleversement d’une vie après la rencontre avec l’art vivant.

É.C. & M.C. : L’art qui change la vie, c’est une utopie n’est-ce pas ? Mais il se trouve que c’est une utopie à laquelle nous croyons. On a rarement vu que l’art ou le théâtre gâchaient la vie, la rendaient malade, vilaine, pire. Non ? Et parfois oui, comme c’est le cas pour Tünde Deak ou Brahim Koutari, ce bouleversement peut être concret, littéral. Le théâtre a changé leur vie et il nous semble important de leur donner voix pour en témoigner, poétiquement, sensiblement. Important de rappeler aussi que nous sommes très nombreux·euses à travailler dans des théâtres sans être issu·es du tout d’un « milieu » artistique, contrairement aux préjugés. On peut aller vers l’art, vers le théâtre, comme ils peuvent et doivent venir vers nous.

Vous programmez plusieurs spectacles qui portent une parole politique.

É.C. & M.C. : Il y a aujourd’hui une urgente et puissante aspiration collective à retrouver des valeurs positives, du sens, des raisons de vivre et d’espérer. Une volonté farouche et intergénérationnelle de comprendre et d’habiter le monde qui nous entoure. Le théâtre est un outil parmi d’autres pour cela. Aussi, pour pouvoir penser ce futur possible, désirable, il est important de parler du passé, de l’histoire. Pas pour en écrire un récit verrouillé, mais pour le questionner, le rendre vivant. En donnant voix à nouveau à des artistes comme Delphine Seyrig ou Anne Sylvestre, en se souvenant des voix passées de Zola ou d’Emily Brontë, en écoutant celles du magnifique trio d’actrices mahoraises et comoriennes qui questionnent leur héritage et le partage dans Elles avant nous, on accède à une humanité plus large, à des récits plus complexes. On s’inscrit dans une compréhension plus profonde des choses qui nous permet peut-être de nous situer, de trouver une place dans le monde. Rilke dit que les morts attendent beaucoup de nous, qu’ils ont placé leurs espoirs en nous. En se rappelant des réflexions, des combats et des imaginaires passés, on devient naturellement politique. Car on s’inscrit dans une chaîne, sortant d’une forme d’isolement.

Qui dit CDN dit création : que nous proposez-vous cette saison ?

É.C. & M.C. : Des partenariats passionnants et inédits ! Avec au programme du théâtre bien entendu, musical ou en itinérance, mais également du cirque, de la marionnette, de l’opéra, de la danse contemporaine. Et pour commencer, une surprise de taille, avec cette collaboration entre EquiNote, compagnie de cirque équestre régionale, et la Comédie, puisqu’Émilie Capliez mettra en scène leur nouvelle création intitulée Zusammen. Nous accueillerons aussi la première du Ballet de l’Opéra national du Rhin, avec la recréation d’All Over Nymphéas d’Emmanuel Eggermont. Un magnifique spectacle présenté au Festival d’Avignon 2022. Pour la première fois, nous proposerons une création itinérante pensée et construite avec La Comédie - CDN de Reims, réunissant les artistes de notre jeune troupe. L’occasion pour le public de découvrir la talentueuse metteuse en scène Noémie Ksicova. Comme un écho au Château des Carpathes créé la saison dernière, notre nouvelle artiste associée Maëlle Dequiedt, elle aussi passionnée par le théâtre musical, nous proposera sa version d’un autre chef-d’œuvre du XIXe siècle, Les Hauts de Hurlevent. Également artiste associé, Jean-Christophe Folly nous révélera une facette inédite de son talent, avec le concert Vie et mort d’Isidjom de Cinkabourg. Et pour finir, Matthieu Cruciani mettra en scène les chanteur·euses de l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin dans une Heure lyrique consacrée à Stephen Sondheim, célèbre compositeur de comédies musicales. Beaucoup de nouveautés donc, indisciplinées comme il convient !

De nombreuses invitations à venir au théâtre en famille, avec enfants ou adolescent·es : c’est un enjeu pour vous ?

É.C. & M.C. : Fondamental. Et qui participe beaucoup de l’affection que nos publics ont pour la Comédie de Colmar (du moins nous l’espérons !). Il est rare qu’une pratique puisse concerner tous les âges de la vie, tous les membres d’une famille ou d’associations, dans toute leur diversité, leurs différences de parcours et d’horizons. Le théâtre a cette force. C’est pourquoi, nous accueillerons également les jeunes artistes de L’École de la Comédie de Saint-Étienne, qui créeront avec Émilie Capliez Une histoire de cinéma. Il est urgent de redire comme il est fondamental que la jeunesse de Colmar et des environs puisse être en contact avec des œuvres d’art ou de théâtre le plus tôt possible, le plus régulièrement possible. Collectivement. Et comme naturellement. Ce que l’on connaît tôt dans la vie, on se l’approprie sans même y penser, comme une langue maternelle. Les premières choses qu’on nous propose deviennent les évidences de la vie.

Un dernier mot ?

É.C. & M.C. : La Comédie de Colmar est une maison des publics, chaque année plus nombreux et divers. C’est une fierté collective. C’est aussi, dans le même mouvement, une maison des artistes, des créateur·rices, des compagnies. Plus qu’un partage de l’outil, c’est un partage des imaginaires, des missions et des enjeux que nous mettons en place. Et c’est une joie ! Car nous sommes définitivement convaincu·es par la force du collectif. Que cette saison soit chatoyante, diverse, insolente comme un sourire par gros temps !